Les insolites de l’Erdre

L’effet étonnant du hasard, le surprenant, l’insolite – toute la grâce d’une réalité brute et soudainement déplacée lorsque des pans entiers du réel basculent dans l’imaginaire. Décalage de l’espace mental sous le coup d’aile d’un instant révélateur quand la réalité de surface s’amuse de la profondeur des apparences, où le réel prend la dimension du rêve.

J’ai vécu lors de mes flâneries le long de l’Erdre quelques-uns de ces petits étonnements du quotidien comme ce policier en uniforme achetant un ballon rose à un marchand ambulant sur le pont vert du vénérable Général de la Motte-Rouge.

Le réel est peut-être, avant tout, ce jardin mental où, dans une fugace étrangeté, poussent sur le terreau d’un universel imaginaire les fleurs du quotidien.

Est-ce pour cette raison que Nantes était la cité de cœur des surréalistes, une ville travaillée par « l’ange du bizarre » et autres espiègles diableries où l’on peut avoir « l’impression qu’il peut (nous) arriver quelque chose qui en vaut la peine » (André Breton) ? N’y trouve-t-on pas de vivace un esprit Vaché, une fantaisie Péret, des images bousculées à la Cahun que l’on peut surprendre dans les reflets des ponts, en dérive sur l’eau, le long des quais et des chemins, sur le visage d’ombres passantes ou la forme des arbres ?

Les haïkus de l’Erdre (2017). Textes et photos : Bernard Neau