Il ne s’interroge pas…

Il ne s’interroge pas – la fleur est sans pourquoi, simplement parce qu’elle est fleur.

Il y a les falaises et le ciel ; il y a ce bleu profond, la blancheur du nuage que reflètent les maisons. Il y a cette transparence de l’air loin des rumeurs de la ville. Il y a surtout cet instant où il n’y a plus de véritable énigme pour lui.

Tout repose dans l’étendue de son ordinaire beauté.

Il a le sentiment que quelque chose veut apparaître, quelque chose d’imminent… Il surprend des alliances fragiles, des résurgences éphémères, devine une secrète complicité entre le ciel et la mer, capte ces ravinements de l’eau inscrivant les lignes de leur destin sur le sable et la roche.

Il sait qu’il y a un sens de la terre que révèle une autre dimension – le minéral, réduit au plus petit, ressemble à s’y méprendre aux cellules du vivant, les mousses et les lichens soulignent d’un trait discret la mémoire du schiste et de l’ardoise.

Il va seulement à la rencontre du monde dont sa présence est le gage, l’écho de son assentiment ; une fugitive harmonie imprime en lui l’éclat d’une forme sans contour.

Il comprend qu’un pan entier de son imaginaire a basculé dans l’immédiate réalité de sa vision, que l’ordre humain n’est qu’un tissu d’apparences finissant par disparaître derrière l’ordre d’un monde secret.

Belle-Île-en-mer, la mémoire étoilée, Bernard Neau, extrait