La mémoire étoilée…
Peut-être ne mesurons-nous la force de nos rêves qu’à l’aune de paysages que nous avons élus et qui nous ont révélés.
Nous sentons bien que nous naissons par le lieu et que le lieu nous reconnaît. Serait-ce le secret désir de vouloir atteindre à une autre vie, une autre rive ?
Nous nous tenons éveillés au seuil d’un infini départ, et notre rêverie se trouve tout accompagnée de clair-obscur.
Nous ne rêvons pas le monde, nous n’avons rien à lui prêter des illusions de nos rêves et n’avons jamais comme horizon que celui de notre regard porté sur l’unique monde possible – le seul qui puisse un tant soit peu approcher une parcelle du visible.
Ce que nous ressentons du « réel » ne se tient-il pas dans l’ombre, en l’élan de notre amour et le regard déserté de ce qui peut nous manquer ?
Comment interroger, lorsque nous n’errons plus maintenant dans l’indécision triste des matins et des soirs, ce qui aussitôt nous échappe ?
Car nous ne savons rien – parmi tant de prodiges, de vertiges et d’oubli – rien de la profondeur où viennent résonner toutes choses, rien de cette émotion qui calmement nous étreint.
Notre solitude devient cette plage envahie davantage par l’amour, l’autre versant d’un plus vaste mystère que l’on se surprend d’affubler parfois du voile un peu trompeur de nos rêves, de la commodité d’un dieu ou d’une raison qui l’efface.
Nous resterons éternellement cet étranger qui passe, à la recherche du lieu unique recelant le pluriel et la magie de tous les autres lieux.
Toute une géographie en nous le recompose, ouvrant de mentales perspectives, des routes inouïes que nous ne suivrons pas, évoquant des tropiques imaginaires, des fragments de désert ou de prairie indienne.
Alors décidons-nous de vivre ici plutôt que là, recueillant tous les signes de l’instant qui nous a vu naître – comprenant qu’aimer revient désormais à n’être plus personne.