L’Orée des yeux & Approche du Pays blanc
Les marais salants de la presqu’île guérandaise (Guérande 1982-2015)
En 1983, Pierre-Jean Buffy désira publier l’œuvre d’un photographe nantais sur les marais salants du pays guérandais qui correspondait tout à fait à ce que nous recherchions. Il me demanda d’accompagner de mes textes les images de Paul Morin dans « L’Orée des yeux » réalisant son projet d’alliance entre poésie et photographie. Je connaissais ce lieu depuis mon enfance, j’y retournais chaque année – il ne restait plus qu’à savoir le regarder.
Gustave Tiffoche, potier, peintre et sculpteur guérandais, fut complice de cette aventure en nous accueillant dans sa galerie. Un autre artiste, Francis Mockel, peintre et graveur travaillant au Pouliguen près des marais, nous intéressait aussi beaucoup.
Les marais salants devinrent pour moi comme un « jardin du regard », y retournant régulièrement pour les photographier, y méditer. « Approche du Pays blanc » est une façon de relancer l’esprit initial comme de fermer la boucle.
Photo : Bernard Neau
L’Orée des yeux & Approche du Pays blanc
Les marais salants de la presqu’île guérandaise (Gérande, 1982-2015)
L’Orée des yeux
Éd. STERNE poésie,1983. Photographies Paul Morin, Textes Bernard Neau, Carte de Gérald Musch
Le Pays blanc
Le Pays blanc est une contrée singulière de campagnes et incursions marines, de marais salants, enclaves boisées et plages sauvages, qui s’étend de l’embouchure de la Vilaine à la Presqu’île guérandaise.
Le Pays blanc entretient un dialogue continu entre le sel et l’écume, d’où peut-être son nom. Les salines en sont le cœur, égrenant dans une plaine circulaire leur multitude d’îlots, tesselles et canaux reliés entre eux par des filaments d’argile. Cette mosaïque de paysages ouvrant une parenthèse de calme, de silence, forme un vaste alambic inspiré par l’océan qui recueille l’or blanc dans le grand œuvre de la nature – célébration de l’alchimie du soleil, des vents et des hommes.
Les marais de ce pays sont un hymne aux matières, aux éléments, et l’émotion pensive fait de leur mariage une fête de la lumière. Le promeneur occidental y trouvera « l’infini dans un grain de sable » (William Blake), et l’oriental « l’univers dans un grain de moutarde », quand le territoire arpenté, d’ombres et de couleurs, devient un ciel entier pour notre rêverie.
On va par les marais, débarrassé de notre souci, parmi les nuages en reflets de l’eau, les herbes, les oiseaux… Ici, nos semelles sont d’argile et de vent, l’œil peut y fixer des vertiges tranquilles, notre paysage intérieur se mêle à celui regardé, et l’on avance en ce voyage comme on s’enfonce dans le songe ou dans l’oubli.