Ici, les arbres sont des individus…
Ici, les arbres sont des individus et règnent en princes des jardins.
Dans les parcs publics, c’est un rassemblement d’ombrages, mais à Venise l’arbre aime à être singulier. Chacun de ces alberi dresse sa mâture au creux de la houle des toits. Campiello del Squelini, certains soulèvent le dallage, poussant leurs racines sous le vaisseau de pierre qui s’enfonce peu à peu. Derrière cet enclos, un arbre recèle des paroles dans les fibres avec lesquelles sont faits les bateaux. Parfois, un plus sauvage s’échappe d’un puits-citerne ou d’une fenêtre. Ces frères en solitude ont des comportements artistes comme celui, Fondamenta Briati, enveloppant de son feuillage le corps vidé d’une statue, ou cet autre, au fond d’une cour, ébauchant avec ses rameaux des oiseaux sur les murs…
Sur les places, ils sont les sentinelles des vivants et des morts. Et tous rappellent leurs ancêtres lointains qui soutiennent Venise – des centaines de milliers dans les profondeurs de la terre, dont la boue est le royaume.
Extrait du livre « Venise, miroir des signes », Ed. Terre de brume, 2002
Venise (1987-2002)
Galerie photographique
Photos de Jean-Pierre Buffy & Bernard Neau